Exprimer ses émotions : une pratique professionnelle de santé mentale
14 juillet 2025À la rencontre d’un nouvel équilibre
Quand le déséquilibre devient une alerte intérieure
Il y a ces moments, souvent imperceptibles au début, où tout vacille. Un e-mail de trop, un silence pesant dans une réunion, un énième "ça ira" lancé du bout des lèvres. Ce n’est pas une crise, pas encore. Mais quelque chose en soi grince. Ce que l’on tenait en équilibre , performance, responsabilités, vie personnelle, engagements, commence à s’effriter dans le silence intérieur. Le corps fatigue, l’esprit se dissocie, les émotions débordent ou s’éteignent. C’est là que le déséquilibre cesse d’être une faiblesse à cacher. Il devient un signal, une invitation. Non pas à retrouver un "avant", mais à reconfigurer un "après".
Pour beaucoup, notamment les cadres en transition, les dirigeants en perte de sens ou les professionnels de santé en saturation émotionnelle, cette bascule n’est pas un accident : c’est une bifurcation. Elle force à quitter le mode automatique, à descendre dans l’écoute de ce qui n’a plus de place, plus de souffle, plus de sens. C’est douloureux. Mais c’est aussi là que naît le mouvement d’un retour à soi — non pas un repli, mais un recentrage. L’équilibre, dans ce contexte, ne peut plus être une simple affaire de gestion du temps. Il devient une quête existentielle.
L’équilibre, ce n’est pas la stabilité — c’est l’ajustement vivant
On confond souvent l’équilibre avec une forme d’harmonie durable, un état stable et sans aspérité. En réalité, l’équilibre humain est un processus dynamique. Il ressemble davantage à une danse qu’à une ligne droite. Il suppose de s’ajuster en permanence, de reconnaître ses limites autant que ses ressources, de réinventer ses façons d’être et d’agir à mesure que le monde bouge autour et en soi.
Un manager en surcharge émotionnelle qui apprend à dire « non » sans culpabilité. Une infirmière en burn-out qui redécouvre l’impact de ses gestes en ralentissant. Un chef d’entreprise qui reconsidère son leadership à la lumière de ce qu’il ressent vraiment. Tous expérimentent ce que signifie "revenir à l’équilibre" : c’est-à-dire faire de l’émotion non plus une faille à maîtriser, mais une boussole à écouter. C’est une pratique, parfois chaotique, mais toujours vivante.
Dans cette démarche, les outils classiques de gestion du stress ou de développement personnel ne suffisent pas. Ce qui se joue, c’est une écologie de soi à reconstruire. Une autre manière de se situer dans ses relations, dans ses choix, dans son quotidien.
À la rencontre de soi : un chemin paradoxalement collectif
Il est tentant, lorsqu’on vacille, de chercher des réponses seules. Pourtant, l’équilibre ne se trouve pas dans l’isolement. Il se construit dans la rencontre : avec un regard extérieur bienveillant, avec des mots posés sur ce que l’on ne savait pas nommer, avec des expériences qui redonnent une forme de cohérence au chaos vécu.
Cette part collective du chemin est essentielle. Non pas pour se conformer, mais pour s'autoriser. S'autoriser à ressentir, à ralentir, à changer de cap. Dans l'accompagnement émotionnel, qu’il soit professionnel, individuel ou collectif , se jouent souvent de vraies réconciliations : avec sa propre histoire, avec ses besoins refoulés, avec ses élans interrompus. C’est là, dans cet espace d’écoute active et de présence partagée, que l’équilibre devient plus qu’un objectif : un lien retrouvé avec sa dignité intérieure.
Et cela a des répercussions profondes sur le monde professionnel. Un salarié plus aligné n’est pas seulement plus "productif". Il est plus juste, plus créatif, plus ancré. Il cesse de jouer un rôle pour habiter une fonction.

L’équilibre comme acte de résistance lucide
Dans notre société, tout pousse à l’accélération, à la performance et à la rentabilité émotionnelle. Choisir de chercher un équilibre devient un geste presque subversif. C’est dire "non" à ce qui épuise sans nourrir. C’est dire "oui" à une manière d’être plus lente, plus incarnée, plus consciente.
Il ne s’agit pas de se retirer du monde, mais de mieux y tenir sa place. L’équilibre n’est pas un luxe pour privilégiés. C’est une condition de survie pour qui veut durer sans se trahir. Et dans un contexte professionnel qui valorise de plus en plus les soft skills, l’intelligence émotionnelle, la résilience ou la qualité de vie au travail, cette quête d’équilibre devient un enjeu stratégique autant qu’humain.
Alors, si vous vous sentez en déséquilibre aujourd’hui, peut-être n’est-ce pas une faiblesse. Peut-être est-ce le début d’une réponse. Celle qui vous invite, avec courage et humilité, à aller à la rencontre d’un nouvel équilibre : le vôtre !