Quand le métier ne fait plus sens : que faire quand tout vacille ?
4 juillet 2025Quand l’intelligence émotionnelle devient une force tranquille dans l’accompagnement de fin de vie
L’épreuve silencieuse : être témoin actif sans s’effondrer
Depuis quelques jours, je vis un moment de vie intense et bouleversant : l’accompagnement de mon oncle en soins palliatifs à domicile. C’est une expérience qui dépasse les mots, tant elle mêle l’indicible à l’essentiel. Je l’observe, chaque jour, organiser sa fin avec une lucidité désarmante. Il parle de ses funérailles comme on prépare un départ, avec une forme de sérénité qui me dérange presque par sa beauté. Face à cette clarté intérieure, je suis à la fois impressionnée et mise au défi : que faire de mes propres émotions quand l’autre, au seuil de sa vie, déploie une telle paix ?
Tenir debout dans l’ouragan : la mobilisation émotionnelle au service des autres
Mes journées sont rythmées par l’urgence, les allers-retours entre la maison et le gîte où logent mes parents âgés, l’organisation logistique, l’écoute attentive. Ce qui m’interpelle, c’est mon propre calme. Je ne pleure pas. Je ne m’effondre pas. Je suis là, dans l’action, dans l’attention. Comme si mon corps et mon esprit avaient compris qu’il y aurait un temps pour tout. Ce calme n’est pas de l’indifférence. C’est une forme d’intelligence émotionnelle peu mise en lumière : celle qui suspend l’expression pour mieux incarner la présence. Une posture de veille, presque instinctive, où l’émotion devient ressource au lieu d’être débordement.
L’émotion comme matière noble : canaliser plutôt qu’exprimer
Je ressens profondément, mais je ne suis pas submergée. C’est l’action qui me soutient, qui m’ancre. Chaque geste, chaque attention, chaque décision prise pour alléger le quotidien de mon oncle ou de mes parents est une manière de transformer l’émotion en soin. C’est peut-être cela, au fond, l’intelligence émotionnelle dans ces moments-là : savoir que l’émotion ne se dit pas toujours, mais qu’elle agit, qu’elle façonne notre manière d’être auprès des autres. Et si, au lieu de chercher à tout prix à exprimer nos larmes, nous apprenions aussi à les écouter en silence, à les honorer dans la discrétion de nos actes ?
L’après viendra : faire confiance au temps des larmes
Je ne sais pas quand viendra le moment de pleurer. Mais je sais qu’il viendra. Et ce sera, lui aussi, un moment d’intelligence émotionnelle : celui du retour à soi, quand le besoin d’agir se sera estompé. Pour l’heure, ma manière d’aimer, c’est d’être là, entièrement, sans fard, sans fuite. Présente à ceux qui partent, présente à ceux qui restent. Il y a dans cette posture une dignité silencieuse, un amour sobre mais entier. Et peut-être est-ce là l’essentiel : accompagner, c’est aussi se laisser transformer, en douce, par la grandeur fragile de ceux qui s’en vont.
